On n'ose plus parler à une femme
L'affaire Weinstein et le mouvement #MeToo ont-ils changé les mentalités envers les femmes?
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Pauline Laurent, Catherine Vanzeveren, Damien Loumaye, publié le 01 janvier 2019 à 21h38
Le mouvement #MeToo est l'un des événements marquants de l'année 2018. Un mouvement qui a découlé de l'affaire Weinstein, ce producteur américain accusé d'agressions sexuelles par de nombreuses actrices. Ce scandale a permis de libérer la parole à divers endroits du globe. Mais au final, les mentalités ont-elles évolué? Éléments de réponse.
En une année, de nombreuses femmes ont accusé le célèbre producteur Harvey Weinstein d'agression sexuelle. Parmi elles, des actrices dont Angelina Jolie. L'affaire a ensuite pris une ampleur internationale avec la naissance des mouvements #metoo et #balancetonporc sur les réseaux sociaux. Un an plus tard, on attend le début du procès d'Harvey Weinstein.
Mais au final, ce scandale a-t-il fait changer les mentalités? Quel regard les Belges portent-ils sur cette affaire?
La prise de conscience a vraiment libéré une parole
Nous avons tout d'abord rencontré Valérie Bauchau, comédienne âgée de 51 ans. En plus de vingt ans de carrière, elle a connu des metteurs en scène ou des directeurs de théâtre qui abusaient de leur position. "L'abus de pouvoir, c'est très large. C'est pas forcément du harcèlement sexuel. Ça peut être par exemple dire: 'Chérie, si tu ne ceci ou cela, tant pis le rôle ne sera pas pour toi'", confie-t-elle.
Après l'affaire Weinstein, l'actrice est sortie du silence. Avec d'autres comédiennes, elle a été à l'origine du licenciement pour harcèlement d'un directeur de théâtre bruxellois. Elles ont également créé un comité pour défendre les droits des femmes. "La prise de conscience a vraiment libéré une parole. Les femmes parlent, et si elles ne veulent pas parler, elles ont toute une série de relais où elles peuvent aller pour se donner des forces, pour trouver des argumentaires ou pour se plaindre", estime Valérie Bauchau.
On n'ose plus parler à une femme
Exprimer ce qu'elles ressentent, les jeunes filles le font notamment dans les maisons de jeunes. Nous avons rencontré Abdel Adnal. Il est éducateur à Molenbeek-Saint-Jean. Depuis le scandale Weinstein, il aborde davantage la question du harcèlement avec les jeunes. "Maintenant si ça permet aux femmes d'en parler ou d'oser pointer du doigt ce gros problème qui laisse beaucoup de séquelles, c'est bénéfique pour nous", explique-t-il.
Mais le mouvement MeToo a été tellement médiatisé cette année qu'Abdel reste parfois sur ses gardes. "Je pense que ce n'est pas parce qu'il y a des faits de société qui arrivent qu'on doit commencer à entrer dans la psychose […] Et c'est vrai qu'on commence parfois à avoir peur, on n'ose plus parler à une femme", dit-il.
Ça n'a pas vraiment eu, je pense, un impact énorme
Pour Zoé, serveuse de 21 ans dans un bar d'Auderghem, en région bruxelloise, le quotidien n'a pourtant pas changé. Elle reçoit encore parfois des remarques sexistes. "Les personnes qui ont tendance à faire des remarques machistes ou sexistes vont être des personnes qui n'ont pas forcément été touchées par ce mouvement, il me semble. En tout cas, ils ne sont peut-être pas sensibilisés à ces questions-là et donc ça n'a pas vraiment eu, je pense, un impact énorme", s'exprime la jeune femme.
L'affaire Weinstein et le mouvement #MeToo né dans la foulée ont donc, semble-t-il, permis de libérer la parole des femmes. Mais les mentalités, elles, n'ont pas toutes changées.